la rue et cette maison qui ouvre sur un atelier des escaliers ma chambre grenier aménagé - j'ai pris un sac et de quoi écrire - cette nuit j'entendrai le vent souffler confondre mes rêves - mais avant - à la tombée du jour - un hibou dans l’arbre ne cesse
ma nuit grande rue la couverture a la couleur de l'herbe gorgée d'eau - car - cette nuit - j’entendrai la pluie - ma nuit commence alors que le ciel est encore clair et que - dans l’arbre - un hibou ne cesse
je me prépare deux couvertures plutôt qu’une - je choisis la couverture verte -approche la lampe de mon lit - regarde par la fenêtre - l’arbre et l’herbe gorgée d’eau la maison aux volets clos qui répond à la mienne - par un silence de pierre - des couleurs passées délavées - et puis - ce trottoir ocre tomette des plantes vertes qui n'ont besoin de personne pour grandir - grande rue - qui n'a de grand que le nom - ça me fait drôle de regarder en arrière la rue vidée de ma présence - la rue où j'ai marché pour trouver la maison le grenier
mon attention se fixe sur des détails - lampe - bouilloire - poêle - gazinière - enveloppés dans ce silence de pierre - mes mots se trouvent là - dans l'ombre qui ne demande qu'à devenir lumière
cette nuit où j’ai tenté de saisir le reflet du papier fleuri sur la bouilloire - l’amour du papier fleuri jusque dans les placards - les objets se drapent d’une densité nouvelle - soleil dans une assiette - lanterne autoportrait essaim de cristaux papier de fleurs ouvertes - mais - doucement - malgré ce qui brille et ce qui éclôt - le vent du nord s’immisce - alors - telle le trappeur égaré par une nuit sans lune qui place tout son espoir dans une brindille - je rapproche mes mains du foyer
pour apprendre que tout ce qui brille n’est pas or - le feu me fascine bien plus que l’or - et - ce soir - il ne tient qu’à moi de le faire exister - quand je suis certaine que le feu est parti pour plusieurs heures - je m’en éloigne - mais - aussitôt le froid s’empare de moi - me serre - je compte les pas - le plancher compte avec moi - je pense à du bois sec et tordu - je pense à la brindille du trappeur - aux serres du hibou qui ne cesse
je cherche le reflet du papier fleuri sur la bouilloire - l’amour du papier fleuri dans le placard - et toujours - et encore - la lumière en flamme en fée électricité - et puis - je me lance dans l’écriture d'un guide de bricoles jaunies : « l'allumage alternatif du grand bazar de nos vies ! » De ma nuit de bricole, je crayonne pas moins de 623 illustrations ! Détaillant comment éclairer le moindre pli sombre de nos pensées - lorsque, par malheur un oiseau vient à tomber - l'allumage alternatif du grand bazar de nos vies m'aura pris une bonne partie de la nuit - je m'endors en pensant au dôme incandescent de mon grand bazar - cet oeil qui veille sur nos étoiles
un tiroir et une boîte - safety matches - il est probable qu'un jour quelqu’un soit entré dans la boutique à l'oiseau couronné et ait acheté cette boîte pour ma nuit grande rue - avez-vous déjà senti le pouvoir que procure dans vos mains une simple boîte remplie d’allumettes ? Et ce doux bruit de tiroir cartonné - et le frottement sur le côté - la flamme - oui la flamme - qui remplace l’oiseau qui tombe par l’oiseau couronné
bruissement du tiroir cartonné ... je craque - allumettes - amulette - calumet - saison des arbres glacés - cri de la bête ignorée la peur - dévore - là - sous une tente de bois mort - sol cousu d'étoffes - souffler sur mes doigts - souffler sur le feu - souffler sur la nuit - pour que le jour paraisse - et donne figure à la bête