3 avril 2022


l’ancien monde, le vent du nord, le bruit des roulettes sur les creux et les bosses je pars, 
 
mon visage et mes mains dans le reflet de la vitre, cette amie m’a affirmé qu’elle ne lit jamais dans le train, elle regarde à la fenêtre, le cheval blanc une apparition, la mer qui n’en est pas une puisque le train roule dessus, je me désemplis des maisons collées entre elles et contre la voie à Narbonne, le train pour Bordeaux est annoncé avec un retard de cinq minutes
 
je bois un café allongé "mais avec un peu plus de café que dans un café allongé", me dit la serveuse, je lui réponds: ça tombe bien, j’ai cinq minutes de plus pour écrire ce dialogue
 
dans le bar de la gare un homme au bonnet enfoncé,la bague et le porte feuille dans la poche intérieure de son blouson comme s’il allait sortir une arme, sa voix de caverne tellement que j’ai du mal à saisir ses mots, son visage ne s’éclaire pas partout quand il sourit, quelque chose de hargne qui vient télescoper
 
il parle et ses phrases refusent toute contradiction à la femme, sa mère ? assise en face de lui, est allée chercher des bouteilles d’eau et des madeleines dans un paquet qu’il lui arrache 
 
un sourire
 
je suis assise en face de l’hôtel d’Alsace en plein centre de cette ville du sud, je pense à l’exil, le fil qui se distend, je pense à l’énergie du pas de côté, au mal de dos, à la danse enfermée dans mon corps qui est resté des heures immobiles, le paysage file tout seul jusqu’au prochain arrêt
 
un jeune homme sur le quai garde les yeux fermés