5 décembre : cet après-midi, Talandier et Lepoutre sont tenus à l’écart du chantier, comme des gamins à qui on aurait ordonné d’aller jouer dehors.
Dans leur dos, la maison tremble, toutes fenêtres ouvertes. Un camion stationné dans la rue déverse des tonnes de béton liquide à l’étage. L’énorme tuyau penché au-dessus du toit, tel une girafe cherchant à atteindre les feuilles du vieux chêne.
Le froid monte par le sol. L’humidité commence à se faire sentir à travers le pantalon, au niveau des chevilles et des genoux. On finira demain. La saison s’étire, mais on sait malgré tout que ce sera bientôt fini pour nous ici. Il est temps de laisser la terre se reposer et que le jardin, drapé de mystère, abrite enfin les oiseaux de la nuit. Talandier et Lepoutre sont les derniers à quitter le chantier. Ils traversent la maison de part en part. Dans la rue, quelques passants rentrent chez eux après leur travail. En sortant de ma voiture, je vois deux lumières qui dansent derrière l’une des fenêtres de la maison en chantier. Des feuilles du chêne qui se seraient détachées, portées par le courant d’air ? L’esprit du lieu agitant ses lanternes ? Mon vague à l’âme en miroir ? Rien de tout cela. Il s’agit de Lepoutre et Talandier avec leurs lampes frontales qui s’amusent à laisser les empreintes de leurs mains dans la dalle fraîche.